wefightByCypriaDonato

We Fight

Pièce acousmatique en 12 canaux | 2018 | 15’40
Commande du Groupe de Recherches Musicales de l’I.N.A.
Réalisée dans les studios du GRM et du compositeur.
Dédiée à Daniel Teruggi

Notes de programme
 
We fight est le deuxième volet d’un cycle d’œuvres de natures diverses dont le nombre n’est pas limité et qui s’articulent autour de certains phénomènes induits par la société techno-capitaliste globalisée. Ce cycle s’intitule Chroniques de l’effacement ordinaire. 
D’une manière ou d’une autre, le développement exponentiel des prothèses technologiques produit un ensemble de situations et de comportements sociaux qui génèrent de nouveaux environnements sonores. Soit directement en colonisant l’espace public et privé avec des objets producteurs de sons, soit  en induisant des mutations comportementales qui impliquent la production accrue de sons dans l’espace et dans le temps. C’est d’ailleurs la même chose pour la lumière.
We fight s’intéresse plus spécifiquement à deux cas de figures issus de ce phénomène : la sonification du code informatique et les productions sonores générées par les actions de résistance à la société techno-capitaliste. Un troisième élément, plus symbolique, plus intemporel, les sons issus de sports de combat, permet une prise de distance et assume des fonctions structurelles dans le déroulement de la pièce.
Comme son titre le suggère, cette œuvre travaille sur la confrontation, l’affrontement, la résistance tant au niveau de ses matériaux qu’au niveau de sa construction. Elle porte peut-être en elle la trace d’une colère qui croît…

F. Donato | janvier 2018


Structure de l’œuvre

La forme globale de la pièce est bâtie sur des alternances. Il s’agit de la confrontation de deux blocs développant chacun l’écriture de leurs matériaux dominants: des voix de synthèses multiples égrenant un code informatique pour l’un, des captures de manifestations tendues dans l’espace public en protestation contre le système néo-libéral, accompagnées de lecture d’extraits empruntés à Jean Baudrillard1 pour l’autre (extraits tirés de Pourquoi tout n’a-t-il pas déjà disparu ? ).
Mais en progressant, les blocs se contaminent mutuellement et certains matériaux ou traitements sonores (la fragmentation, la distorsion, la saturation, les sons de synthèse) prolifèrent à l’intérieur des deux. C’est un choix, une nécessité esthétique même, de privilégier la continuité organique de la forme globale, y compris par des articulations en rupture.
La pièce expose ainsi sept sections consacrées à l’un ou l’autre bloc alternativement avec une dynamique globale de resserrement. Après deux expositions de chaque bloc, la fin de la quatrième section amène à séquence étale qui joue un rôle suspensif dans cette dialectique binaire.
La pièce se termine sur une dernière intervention des voix de synthèse accompagnées d’un chœur hybride entre sons de synthèse et voix de femmes travaillées en synthèse granulaire.

Les 12 canaux de la pièce sur la durée totale montrant l’alternance du bloc 1 en bleu (dominante voix de synthèse) et du bloc 2 en jaune (dominante manifestations et textes)

Spatialisation

L’écriture de l’espace repose sur un dispositif de projection sonore spécifique des 12 canaux de la pièce.
Ce dispositif est composé d’une couronne octophonique plutôt classique augmentée de trois canaux disposés frontalement dans une ligne ascendante de gauche à droite. Un renfort pour les fréquences graves complète ce système.
Le choix de cette disposition s’est imposé pour pouvoir développer l’écriture de la pièce sur deux axes :
– un traitement immersif avec la couronne octophonique permettant de placer les auditeurs au cœur des masses d’origine vocales : les voix de synthèse, les phonographies de manifestations, le chœur féminin et les figures de respiration.
– un espace de prise de parole, une forme de tribune en quelque sorte, constitué du trio frontal de haut-parleurs, utilisé principalement par les interventions vocales solistes, notamment la lecture des textes de Baudrillard.
De même que l’écriture des matières travaille surtout la notion de masse, l’articulation de l’espace de projection s’appuie beaucoup sur des distributions statistiques animées par des moteurs pseudo-aléatoires (voir illustrations page suivante).
L’intérêt est de pouvoir mettre en avant une complexité organique de l’espace de perception qui n’est pas limitée à un vocabulaire de figures pré-établies, mais au contraire s’adapte à la complexité interne des matériaux.

Dans le travail de spatialisation, j’ai aussi utilisé le logiciel de programmation modulaire Usine Hollywock pour traiter les sons de synthèse et de chœur féminin en configuration octophonique.
L’intérêt de cette approche est de pouvoir associer dans le même temps de production des matériaux la dimension spectro-morphologique et la dimension spatiale. Le programme génère simultanément selon les données fournies les sons électroniques et leur répartition dynamique sur huit canaux. Une partie importante de ces matériaux a été produite en associant des capteurs gestuels au programme afin de jouer de manière vivante les paramètres en temps réel, notamment avec un capteur Hot Hand, une sorte de bague munie d’un accéléromètre et d’un gyrospcope.
Le travail parallèle des deux dimensions de production sonore permet de relier en particulier les notions de texture et d’espace.


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